Ce panneau a peut-être fait partie d’un ensemble illustrant les sept œuvres de la Miséricorde (il s’agit, en ce cas, de l’enterrement des morts) ou la vie d’un saint. Mais s’il y a sujet religieux, ce n’est plus guère que le prétexte à une minutieuse vue urbaine, qui fixe le souvenir d’un Paris au visage encore tout médiéval. Remontant au moins au Xe siècle, ce cimetière était le plus important de la ville. Il devait son nom à l’église des Saints-Innocents, fondée au XIIe siècle ; c’est elle que l’on reconnaît au centre de la composition, sa façade donnant sur le cimetière, alors que son abside touchait la rue Saint-Denis. Les maisons à pignons, d’où pendent des drapeaux de deuil, sont celles de la rue de la Ferronnerie à gauche, celles de la rue aux Fers (aujourd’hui rue Berger) à droite, au pied du clocher de l’église Saint-Opportune.
Les quatre côtés du cimetière étaient bordés depuis le XIVe siècle par des galeries à arcades que surmontaient les célèbres charniers, c’est-à-dire des combles où s’entassaient les ossements retirés des fosses communes. Sous la galerie de droite, celle du Sud, on distingue les peintures murales du XVe siècle représentant la Danse Macabre. La petite maison de l’angle gauche est sans doute celle qui servit aux recluses volontaires, dont la plus célèbre, Alix de la Bourgotte, y resta emmurée pendant quarante-sept ans au XVe siècle. À l’angle droit est la porte Saint-Jacques, l’une des cinq portes qui donnaient accès au cimetière.
Sur le terrain central s’élèvent plusieurs croix votives ainsi que deux édicules, à droite la petite tour arbitrant l’oratoire Notre-Dame-des-Bois, à gauche une chaire à prêche couverte.
Supprimé en 1785 pour des raisons de salubrité, le vénérable cimetière fut rasé, avec l’église attenante, et remplacé par un marché qui lui-même devait disparaître au XIXe siècle pour permettre l’aménagement du square des Innocents.
Paris au XVIe siècle et sous le règne d’Henri IV, bulletin du musée Carnavalet n°1 et 2, 1979.