« Jacques, tu ne sais pas peindre, mais tu es peintre », lui a écrit un jour Pablo Picasso, (il réalisa le portrait ci-dessus). Jacques Prévert est le peintre de Paris.
Comme Vincent Van Gogh, Prévert «a le regard bleu et doux / Le vrai regard lucide et fou / De ceux qui donnent tout à la vie / De ceux qui ne sont pas jaloux. »
Ces vers sont extraits de « La complainte de Vincent » dédié à Paul ELuard.
Dans ce poème, Prévert évoque le célèbre épisode de l’histoire de la peinture :
En effet, fin 1888, à Arles, dans une crise de folie, Vincent Van Gogh a tenté de blesser Paul Gauguin, l’autre grand peintre avec qui il partageait un atelier,
avant de se trancher le lobe de l’oreille avec une lame de rasoir. Puis il est allé offrir le morceau de chair à une prostituée.
Rue Blanche, vers décembre 1887. De gauche à droite: Arnold Koning, Emile Bernard, Vincent van Gogh, André Antoine, Félix Jobbé-Duval, Paul Gauguin. Crédit: Serge Plantureux.
Pablo Picasso et Jacques Prévert – Cannes, avril 1951
COMPLAINTE DE VINCENT
A Paul Eluard
A Arles où roule le Rhône
Dans l’atroce lumière de midi
Un homme de phosphore et de sang
Pousse une obsédante plainte
Comme une femme qui fait son enfant
Et le linge devient rouge
Et l’homme s’enfuit en hurlant
Pourchassé par le soleil
Un soleil d’un jaune strident
Au bordel tout près du Rhône
L’homme arrive comme un roi mage
Avec son absurde présent
Il a le regard bleu et doux
Le vrai regard lucide et fou
De ceux qui donnent tout à la vie
De ceux qui ne sont pas jaloux
Et montre à la pauvre enfant
Son oreille couchée dans le linge
Et elle pleure sans rien comprendre
Songeant à de tristes présages
Et regarde sans oser le prendre
L’affreux et tendre coquillage
Où les plaintes de l’amour mort
Et les voix inhumaines de l’art
Se mêlent aux murmures de la mer
Et vont mourir sur le carrelage
Dans la chambre où l’édredon rouge
D’un rouge soudain éclatant
Mélange ce rouge si rouge
Au sang bien plus rouge encore
De Vincent à demi mort
Et sage comme l’image même
De la misère et de l’amour
L’enfant nue toute seule sans âge
Regarde le pauvre Vincent
Foudroyé par son propre orage
Qui s’écroule sur le carreau
Couché dans son plus beau tableau
Et l’orage s’en va calmé indifférent
En roulant devant lui ses grands tonneaux de sang
L’éblouissant orage du génie de Vincent
Et Vincent reste là dormant rêvant râlant
Et le soleil au-dessus du bordel
Comme une orange folle dans un désert sans nom
Le soleil sur Arles
En hurlant tourne en rond.
Jacques PRÉVERT, Paroles, 1946.
Paris est tout petit est dit par l’inégalable Jeanne Moreau.
Paris est tout petit – Jacques Prévert
Paris est tout petit
c’est là sa vraie grandeur
Tout le monde s’y rencontre
Les montagnes aussi
Même un beau jour l’une d’elles
Accoucha d’une souris
Alors en son honneur
Les jardiniers tracèrent
Le parc Montsouris
C’est là sa vraie grandeur
Paris est tout petit.
SOURCES
https://www.babelio.com
C’est un vrai bonheur, un florilège de talents…
Voix chaude, rauque et envoûtée de Jeanne Moreau qui dit des mondes quand elle prononce des mots…
Prévert, rêveur invétéré de la réalité…
Picasso, Van Gogh… des monstres sacrés!
Merci pour ce très joli billet, gros bisous Gérard
Cendrine