Les Forts étaient considérés comme une sorte d’aristocratie des Halles. Une tradition parisienne voulait qu’ils portent le muguet, au président de la République, au Palais de l’Elysée le matin de chaque 1er mai.
Le président René Coty et Madame, recevant le muguet offert par les reines et Forts des Halles le 30 mars 1955.
Chaque année les Forts participaient au Carnaval de Paris . Chaque arrondissement avait son char.
On voit sur la photo le char du 1er arrondissement de Paris en 1907.
On considère généralement que les Forts seraient les créateurs, au milieu du XIXeme siècle, du fameux débardeur appelé plus tard <marcel> . Une entreprise de la ville de Roanne, les établissements Marcel , dirigés par un certain Marcel Eisenberg, mise sur ce débardeur révolutionnaire qui laisse les épaules à nu et donnent naissance à un tricot qui deviendra célèbre dans le monde entier et portera le nom de sa société créatrice…
Lors des dernières années de leur existence les forts assuraient la police et la surveillance des pavillons des Halles et étaient employés de la Préfecture de police de Paris.
Il ne faut pas confondre les Forts avec les porteurs ou portefaix chargé des corvées, reconnaissables à leur blouse et leur casquette.
Employés à la tâche ceux-ci étaient chargés des corvées sur le carreau, où s’effectuait la revente au détail.
Recrutés parmi les chômeurs et les étudiants les Porteurs avaient un statut moins privilégié que les Forts des halles (voir plus bas l’ordonnance du 6 mai 1851 concernant ce statut).
Ces porteurs donnaient régulièrement ou occasionnellement, un coup de main aux activités de déchargement des marchandises. Dans les années 1890, on comptera aux Halles de Paris jusqu’à 12 000 Porteurs.
L’ordonnance 3996, du préfet BOITTELLE datée du 6 mai 1851, permet de bien comprendre la différence de statut entre les Forts et les porteurs.
N° 3996. – Ordonnance concernant les porteurs aux halles et marchés.
Paru, le 6 mai 1851.
Nous, Préfet de police,
Vu : 1° l’arrêté des Consuls, du 12 messidor an VIII (1er juillet 1800);
2° Une ordonnance de police du 13 mai 1831, concernant les ouvriers des
halles et marchés ;
Considérant qu’il y a lieu de rappeler les dispositions de l’ordonnance
sus-visée, en ce qui concerne les porteurs, et d’entourer de plus de
garanties la délivrance et l’échange annuel de la médaille dont ils
doivent être pourvus pour exercer leur profession ,
Ordonnons ce qui suit : ‘
1). Les travaux relatifs au transport des marchandises vendues dans les
halles et les marchés, à l’exception de ceux qui sont réservés aux forts
et de ceux que les acquéreurs entendent effectuer par eux-mêmes ou par
des gens à gage, peuvent être faits par tout individu muni d’une
médaille de porteur aux halles et marchés.
2) Quiconque voudra exercer la profession de porteur dans les halles et
marchés devra en faire la demande à la Préfecture de police (2eme
division, 1er bureau), et produire un certificat de bonne conduite
délivré par le Commissaire de police du quartier de son domicile, sur
l’attestation de deux témoins patentés.
3. Nul ne sera admis à exercer la profession de porteur aux halles et
marchés s’il n’est âgé de 18 ans accomplis.
4. Il sera délivré à tout porteur autorisé, par l’lnspecteur général des
halles et marchés, au nom du Préfet de police : »
1° Une permission sur papier timbré;
2° Une médaille sur laquelle sera gravé un numéro d’ordre relevé sur un
registre ouvert à cet effet à l’inspection générale des halles et
marchés.
Cette permission et cette médaille seront délivrées aux frais de chaque
porteur.
Il y aura deux formes de médailles de porteurs , l’une carrée, destinée
aux années dont le millésime est impair, l’autre en losange, pour les
années dont le millésime est pair. .Ces médailles seront -frappées, en
outre, chaque année, d’un poinçon particulier, pour en éviter la
contrefaçon.
5) Les médailles seront échangées chaque année, du 1er au 30 avril.
6. Pour obtenir l’ échange de sa médaille, tout porteur devra justifier au
préalable d’un domicile certain, en produisant un certificat délivré par
le Commissaire de police du lieu de sa résidence, sur l’attestation de
deux témoins patentés. Cette justification sera faite au bureau de
l’Inspection générale des halles et marchés.
7) Les porteurs aux halles ne peuvent travailler sans être munis de
leur médaille, qui devra être portée au bras droit.
Ils sont tenus, en outre, de placer à la partie supérieure de la hotte,
de la manne ou du crochet dont ils feraient usage, une plaque en métal,
peinte en couleur bleue, indicative du numéro de la médaille et conforme
au modèle déposé a l’Inspection générale des halles et marchés.
8. Il est défendu a tout individu non autorisé comme porteur aux
halles, de porter une médaille ou une plaque sur la hotte, et de quêter
le travail sur le carreau des halles.
9. Tout porteur qui cessera d’exercer sa profession devra faire la
remise de sa médaille et de sa permission, dans le délai de trois jours,
à l’Inspection générale des halles et marchés.
10. Les médailles et permissions délivrées jusqu’à ce jour devront être
échangées dans le délai d’un mois, à partir de la publication de la
présente ordonnance.
11. Toutes les fois qu’un porteur changera de domicile, il devra en
donner avis au bureau de l’Inspecteur général des Halles et Marchés.
Tout porteur qui n’aura pas rempli cette formalité sera exclu
temporairement du travail des halles et marchés.
Il pourra, suivant les circonstances, être rayé de la liste des
porteurs.
12. Les porteurs ne pourront entrer dans les halles closes où se
tiennent les marchés en gros et où le service est fait spécialement par
les forts.
Dans les marchés qui se tiennent a découvert, ils ne pourront pénétrer
dans les rangs des approvisionneurs qu’après l’ouverture des ventes.
Il leur est défendu d’aller au-devant des voitures d’approvisionnement.
13. Les contraventions aux dispositions qui précèdent seront constatées
par des procès-verbaux ou rapports qui nous seront adressés. -,
14’ La présente ordonnance sera imprimée, publiée et-affichée.
l’Inspecteur général des Halles et Marchés, le Chef de la Police
municipale, les Commissaires de police et les préposés de la Préfecture
de police sont chargés de tenir la main à son exécution.
Le préfet de police BOITTELLE.
TOUT AUTOUR DES HALLES.
Jean Rodor/Vincent Scotto.
Il est minuit et Paris en toilette
Sort des théâtr’s, cinés ou casinos,
Les uns s’en vont souper, faire la fête,
Tandis qu’ les autr’s regagnent leur dodo.
Au milieu de cette cohue,
S’mêlant aux taxis, aux autos,
Des chars pleins d’choux, d’carott’s, d’laitues
Descend’nt le long du Sébasto.
Aïe donc Cocott’ s’écrie le maraîcher,
Faut arriver les premiers au marché.
Tout autour des Halles
Lorsque descend la nuit
Le maraîcher déballe
Des légumes ; des fleurs et des fruits ;
Dans le matin pâle
Vers le ciel monte un cri,
C’est le réveil de notre Paris
Aux Halles.
Là dans un coin, c’est une pauvre fille,
Hélas pour ell’ le destin fut odieux,
Un peu plus loin c’est un homme en guenilles
Pour l’atelier on le trouva trop vieux.
Maintenant c’est un Jean Misère
F’sant tout pour pas mourir de faim,
D’un sapin il ouvr’ la portière
Courb’ le front et puis tend la main.
Aïe donc Cocott’ aïe donc s’ écrit le cocher,
L’sapin s’en va … le vieux n’a rien touché.
Tout autour des Halles
Cherchant le moindre abri,
Là sur la grande dalle
Le miséreux vient faire son nid,
Et dans la nuit pâle
Quel est ce ramassis ?
C’est la misère du grand Paris
Aux halles.