Le père de Annette Lajon était originaire d’un petit village de la Vienne, La Chapelle-Viviers. Venu tenter sa chance à Paris il gère, avec son épouse, un commerce de négoce de vins près de la rue de la Convention dans le 15 éme arrondissement.
Leur fille Annette voit le jour le 26 mai 1901 dans ce même arrondissement.
La fillette est attirée par la musique et les musiciens de rue, mais poussée par ses parents elle fait des études de comptabilité, de droit et d’anglais.
Cependant son attrait pour le monde du spectacle ne faiblit pas.
Elle suit des cours de théâtre et elle joue en 1924 au théâtre des Champs-Elysées.
C’est surtout le chant qui la passionne, elle l’étudie conseillée par sa belle-soeur la grande cantatrice Alice Raveau.
Alice Raveau (Paris 8 août 1884- Paris 13 mai 1945).
Annette chante Werther et Carmen à l’ Opéra Comique et présente des récitals en mars et avril 1932 à Paris.
En 1934, lors d’un gala à la salle Pleyel, elle rencontre le compositeur Reynaldo Hahn.
Le futur directeur de l’ Opéra de Paris trouve sa voix envoûtante et il lui conseille de d’entamer une carrière de chanteuse populaire.
Reynaldo hahn (Caracas 9/8/1874- Paris 28/01/1947).
Pour éviter toute confusion avec sa belle-soeur la célèbre cantatrice Alice Raveau, Alice prend pour nom d’artiste son nom de jeune fille Annette Lajon.
Elle chante d’abord en province, puis dans de petites salles de Paris, avant de passer aux Folies-Wagram le 5 mai 1934, au lendemain de l’enregistrement de son premier disque Columbia.
Elle se produit pendant six mois au cabaret Schéhérazade rue de Liège puis à l’Européen et finalement à Bobino ou elle crée « L’ Etranger » composé par Marguerite Monod.
Ce titre lui rapporte le Grand Prix du disque en 1936.
La môme Piaf, voulut ajouter cette chanson à son répertoire.
À l’époque on laissait, pour au moins six mois, l’exclusivité d’interpréter une chanson à celui ou celle qui l’avait créée, mais « La môme », contrairement à l’usage, se mit à la chanter, au grand désagrément de Annette.
La célèbre Damia enregistra, elle aussi, « L’étranger » en 1937.
D’après les puristes la version d’ Annette Lajon était bien celle qui méritait le Grand prix du disque.
Jusqu’à la seconde guerre mondiale, la carrière d’Annette Lajon se partage entre le disque et le music-hall.
Après la guerre, la popularité d’ Annette se met à décliner.
Elle est encore là, en 1955 (Concert Pacra) mais les années soixante venues, elle décide de prendre sa retraite.
Annette Lajon, est décédée, plus ou moins oubliée, en 1984.
Ses plus grands succès seront remis en circulation une dizaine d’années plus tard.
L’étranger.
Des yeux rêveurs un peu fous
Aux lueurs étranges.
Comme bien des gars du Nord,
Dans les cheveux un peu d’or,
Un sourire d’ange.
J’allais passer sans le voir
Mais quand il m’a dit bonsoir
D’une voix chantante,
J’ai compris que, ce soir-là,
Malgré la pluie et le froid,
Je serais contente.
Il avait un regard très doux.
Il venait de je ne sais où.
Le navire est ma maison.
La mer mon village.
Mon nom, nul ne le saura.
Je suis simplement un gars
Ardent à l’ouvrage
Et si j’ai le coeur trop lourd,
Vend moi donc un peu d’amour,
J’ai soif de caresses.
Et moi, fille au coeur blasé,
J’ai senti, sous ses baisers,
Une tendre ivresse.
Il avait un regard très doux
Il venait de je ne sais où.
J’aimais mon nouvel amant,
Mon époux d’une heure.
Comme bien des malheureux,
Il croyait voir dans mes yeux
La femme qu’on pleure
Et, follement, j’espérais
Qu’au matin, il me dirait
Suis-moi je t’emmène.
J’aurais dit oui, je le sens,
Mais il a fui, me laissant
Rivée à ma chaîne.
Il avait un regard très doux.
Il s’en allait je ne sais où.
Et, le coeur tout dérangé
Par les cigarettes,
Par l’alcool et le cafard,
Son souvenir chaque soir
M’a tourné la tête
Mais on dit que, près du port,
On a repêché le corps
D’un gars de marine
Qui, par l’amour délaissé,
N’a trouvé pour le bercer
Que la mer câline.
Il avait un regard très doux.
Il est parti je ne sais où.
Sources:
http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net
http://christianlajon.ublog.com
Bonsoir Gérard,
Je connaissais cette chanson d’une poésie poignante mais j’ignorais tout d’Annette Lajon, aussi je suis ravie de la découvrir. Cette dame ne mérite pas, comme tant d’autres, d’avoir sombré dans l’oubli. Le destin des artistes est comme une mue de serpent. Il peut capter l’ombre ou la lumière et se révèle si changeant. Merci pour cet article qui fait revivre une figure de notre histoire musicale et merci également pour vos messages qui me vont droit au coeur.
Je vous souhaite une excellente journée à venir, gros bisous.
Cendrine
Chanson superbe entendue ce jour dans l’émission de Philippe Meyer, et interprétée par Damia. Je ne la connaissais pas. Je trouve qu’elle est à rapprocher d’un autre texte magnifique, » « L’Escale », que chanta ( créa ?) , Suzy Solidor. Dans les deux cas de figure, rien ne manque, et pas une syllabe superflue. Romanciers et Sociologues, tenez-vous bien : la chanson des rues vous fait la pige !
Denise
J’ai bien connu Annette , et sa famille , dans les annees 70 .
C’etait une grande artiste qui avait une belle personnalite. J’y suis tres attache
une artiste injustement oubliée