Cimetière du Montparnasse 22e division, une tombe de marbre originale et pleine de tendresse : les deux époux Pigeon, Charles-Joseph et sa femme Marie, y sont représentés en tenue de ville sur un lit à colonnades.
Marie est étendue et lui à demi-allongé à sa gauche, tourné vers elle en appui sur un coude, un crayon dans la main droite, un carnet entrouvert dans la main gauche et ayant la révélation de ce qui allait devenir son invention.
Au-dessus du lit, un ange veille sur eux.
Ce mausolée fût réalisé en 1905 avant le décès de la femme de Charles Pigeon et de leur fils. Le nom du sculpteur, qui n’apparaît pas sur le monument, reste une énigme.
Le caveau prévu pour 18 personnes est aujourd’hui classé à l’Inventaire des Monuments Historiques.
Il reçoit la visite de très nombreux touristes du monde entier.
Charles-Joseph Pigeon naît le 29 mars 1838 à Mesnil-Lieubray (Seine-Maritime – Seine Inférieure jusqu’en 1955) une petite commune située à 30 km de Rouen. Il est le fils unique de François Pierre Pigeon et de Sophie Antoinette Dumort qui se sont mariés le 27 août 1825.
La carrière professionnelle du jeune normand débute à Paris comme vendeur au nouveau magasin « Bon Marché » où il se lie d’amitié avec Ernest Cognacq, futur créateur de la « Samaritaine ».
L’ami de Charles Pigeon, Ernest Cognacq (21.02.1928 – 21 février 1928) fondateur avec sa femme Marie-louise Jaÿ des grands magasins de la Samaritaine à Paris .
Mais Charles Pigeon ouvre un commerce de vente, d’entretien et de réparation de luminaires, 33 rue du Cherche-Midi à Paris, qu’il aménage partiellement en atelier de transformation de lampes à pétrole à partir de 1875.
S’il n’a pas été à proprement parler le créateur de la lampe à essence, il fut le premier à produire et commercialiser un appareil d’éclairage portatif à essence breveté, ininflammable et inexplosible.
L’idée était de fabriquer une lampe offrant toute sécurité d’utilisation pour un coût abordable. Pour cela, il va apporter à la lampe à essence existante des innovations décisives et d’importantes améliorations pratiques.
La lampe standard, dite « Lampe Merveilleuse » pouvait brûler 15 heures au moins.
Le brevet de la lampe Pigeon, reconnaissable au dessin d’un pigeon posé sur un globe terrestre tenant en son bec une lampe, fut déposé le 9 juin 1884 sous le numéro 162634.
La lampe Pigeon fût présentée officiellement à l’Exposition universelle de 1900.
En 1902, huit millions de ces lampes sont fabriquées dans la nouvelle usine qu’il a installée rue Montgolfier.
A la fin de sa vie Charles Pigeon, riche et à la tête d’une entreprise prospère, séjournait régulièrement dans sa propriété qu’il avait baptisée « La Pigeonnière » située à Fry, non loin de son village natal, dans la verte campagne normande.
Il s’éteint le 18 mars 1915 à son domicile parisien du 54 rue de Rennes dans le VI éme.
Madame Pigeon décède le 9 mars 1909 et leur fils en 1910.
Après la mort de Charles Pigeon, la Société des Lampes et réchauds Pigeon continua à prospérer puis progressivement son activité diminua et elle fut liquidée en 1960.
Pour le collectionneur de lampe Pigeon il existe plusieurs livres dont celui-ci préfacé par Pierre-Jakez Hélias.
L ‘auteur du Cheval d’orgueil raconte combien la lampe Pigeon, offerte par sa mère, fût importante au jeune écolier pour « se battre le soir avec la grammaire et le calcul ». Il se demande a combien de certificats d’études primaires a-t-elle puissamment aidé !
Il se promet d’aller se recueillir au cimetière Montparnasse sur la tombe de Monsieur Pigeon.
Pierre-JAKEZ Hélias né le 17 février 1914 à Pouldreuzic (Finistère) mort le 13 août 1995 à Quimper.
Le poète Canadien Todd Swift (né à Montréal le 8 avril 1966) , impressionné par le monument du cimetière Montparnasse, a rendu hommage à Charles Pigeon.
Monsieur Pigeon’s Best Machine.
I would like my cemetery to be shaped
like the one at Montparnasse, bordered
by Rue Froidevaux, Boulevard
Edgar-Quinet, Raspail, and
on the fourth side, lit apartments
whose small square windows look out
on the graves of Aron, Bainville,
Belmondo, and Cortazar.
Autumn makes sorrow smell good,
gives one an appetite to go after tombs.
They fill me with comfort, because, after
so long, they are still here: the names
kept (Sartre, Man Ray), and the low, flat
trays left out, to put small gifts on, as if
thanking the dead for their hospitality.
Speaking of which, my favourite tombstone
belongs not to an industrialist or chess
champion (though they are here in numbers),
not even to the Mexican President Porfirio
Díaz, but instead to a homely inventor:
Charles Pigeon. His grave is topped
with the most grotesque figure of sentiment.
We come to his last resting place
beside his wife. It is a large, green bed
(the air did that) and in it, there they both are:
he doodling new mechanisms in a notebook,
completely dressed, down to the detail of
a pocket watch and vest; she, more relaxed,
is turned slightly aside, one hand put out
to his thigh, as if to say: Charles, let’s make
whoopee. This scene of married life
is Monsieur Pigeon’s best machine:
one which carries all who pass by it,
immediately, from our poor century
back to his, when such contentment,
between man and wife was a basic right.
At any rate, he thought so, and put it up
(in the path of revolution and economies)
to cap their night with a fixed ornament,
reinventing tenderness as a monument.
Je me souviens avoir été intriguée par cette tombe de marbre. Je suis ravie d’en savoir un peu plus sur les deux époux et sur l’invention de Mr Pigeon !
Bises
Bonsoir Gérard, c’est un article superbe et passionnant. Cette tombe est une ode à la vie, à l’amour, à ce qui ne fane pas, comme les dessins d’ombre et de lumière projetés sur les murs de nos imaginations grâce aux mouvements de la « lampe merveilleuse » et de toutes les lampes à vocation poétique.
J’ai voulu visiter ce cimetière plusieurs fois et je n’ai pas pu y aller, je compte bien y remédier dès que possible. Félicitations pour votre travail et gros bisous!
Cendrine
Très belle presentation de cet inventeur de génie que fut Charles Pigeon.
Son premier brevet souffle ses 130 bougies cette année, merci à vous pour cet hommage bien mérité.