Une amie Lorraine, de passage à Paris, outre le plaisir de sa visite, nous a offert de délicieuses Madeleines de Commercy.
Ce gâteau fut créé en 1755 par une servante, du roi Stanislas de Lorraine. La jeune soubrette confectionna ce dessert d’après la recette traditionnelle de Commercy, sauvant in extremis le repas compromis par le pâtissier de la cour qui avait rendu son tablier, fâché suite à une altercation en cuisine.
On apporte aux invités des gâteaux d’une forme originale, dorés, et fondants… Une merveille !
Ravi, le roi fait venir l’auteur de ce miracle : on lui présente une jeune et jolie servante, rose de confusion et les mains encore blanches de farine…
– « Comment s’appelle ce chef-d’oeuvre ? »
– « Il n’a pas de nom, sire ; c’est ce que l’on fait chez moi, à Commercy, les jours de fête. »
– « Et quel est ton nom ? »
– « Madeleine »
– » Eh bien, il s’appellera comme toi : Madeleine de Commercy. »
Le duc de Lorraine, Stanislas Leszczinski (1677-1766).
En accompagnement, je vous propose une marche : « Les Madeleines de Commercy », interprétée à l’accordéon par Cyrille Renaut.
Oblongue, moelleuse et arrondie, elle aime bien se lover tout contre le palais où elle libère lentement ses arômes de citron ou d’amande amère.
Les madeleines étaient consommées dans les trains des Chemins de fer de l’Est et vendues sur les quais de Commercy par des jeunes filles appelées soubrettes, en costume lorrain.
Ancienne publicité pour le dessert mythique.
Un Commercien commence toujours à manger sa madeleine par la boudotte (nombril en meusien).
Elles semblent avoir été moulées dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques.
La découverte de la madeleine et son rayonnement doivent beaucoup à Marcel Proust, qui fit de sa dégustation une «machine à rêver et à se souvenir».
Marcel Proust (1871-1922).
Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai.
Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblaient avoir été moulées dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse: ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau.
Proust – Du coté de chez Swann – A la recherche du temps perdu.
La confrérie des compagnons de la madeleine de Commercy est créée en 1963 à l’initiative des Maîtres madeleiniers.
Le but de la confrérie étant de « Faire connaître et apprécier partout et en tous lieux, mais aussi protéger et conserver, la qualité de cette spécialité locale : La Véritable Madeleine de Commercy ».
La madeleine de Commercy est traditionnellement « mariée » au vin des côtes de Toul, confrérie de la capucine, une bouteille en bois servait autrefois à conserver le vin au frais pendant le travail dans le vignoble.
Il existe deux fabriques de madeleines à Commercy :
la société Grojean (devenue Saint-Michel donc Balhsen)
et la maison Zins.
Moi qui suis si gourmande, comment pourrais-je résister à ces petits trésors? Vous contez merveilleusement bien l’histoire de cette « madeleine » qui a réjoui tant de papilles! J’ai passé un délicieux moment et je vous en remercie. Cendrine
Le gourmand que je suis ne peut qu’être sensible à cet exposé sur un petit gâteau très appréciable. J’ignorais tout de cette confrérie amusante et de la coutume de commencer la dégustation par le nombril… Et quelle surprise de découvrir l’anecdote de la Madeleine de Commercy. Surprise et ravissement en retrouvant Proust. Car enfin gourmandise et littérature font bon ménage.
En discutant avec notre amie de Commercy, j’ai pris conscience de l’importance de la madeleine pour les Commerciens. Cela m’a décidé à faire une exception, de sortir de Paris, d’écrire ce modeste article, sur ce gâteau qui fait partie de notre patrimoine.
Mon plaisir est de découvrir un lien entre le sujet de l’article, avec un livre, un poème, une chanson …. Je suis ravi que cela vous intéresse !
gérard