TOURNESOL poème d’André BRETON

Dans L’amour fou (1937), Breton raconte sa troublante rencontre avec une femme et constate que tournesol en était la préfiguration, plus de dix ans avant.

C’est en effet, dans le quartier des Halles et de son restaurant Le Chien qui fume que Breton fait la rencontre de « la belle inconnue » qui exerce la profession de nageuse en aquarium dans un cabaret.

Tournesol interprété par Vincent Meillon . Musique : Vincent Meillon, Franck Besnard, Mikael Lecoq.

André Breton (19/02/1896 – 28-09-1966). Poète et écrivain, principal animateur et théoricien du surréalisme.

TOURNESOL.

La voyageuse qui traversa les Halles à la tombée de l’été
Marchait sur la pointe des pieds
Le désespoir roulait au ciel ses grands arums si beaux
El dans le sac à main il y avait mon rêve ce flacon de sels
Que seule a respirés la marraine de Dieu
Les torpeurs se déployaient comme la buée
Au Chien qui fume

Où venaient d’entrer le pour et le contre
La jeune femme ne pouvait être vue d’eux que mal et de biais
Avais-je affaire à l’ambassadrice du salpêtre
Ou de la courbe blanche sur fond noir que nous appelons pensée
Le bal des innocents battait son plein
Les lampions prenaient feu lentement dans les marronniers
La dame sans ombre s’agenouilla sur le Pont au Change

Rue Gît-le-Cœur les timbres n’étaient plus les mêmes
Les promesses des nuits étaient enfin tenues
Les pigeons voyageurs les baisers de secours
Se joignaient aux seins de la belle inconnue

Dardés sous le crêpe des significations parfaites
Une ferme prospérait en plein Paris
Et ses fenêtres donnaient sur la voie lactée
Mais personne ne l’habitait encore à cause des survenants
Des survenants qu’on sait plus dévoués que les revenant
Les uns comme cette femme ont l’air de nager
Et dans l’amour il entre un peu de leur substance
Elle les intériorise
Je ne suis le jouet d’aucune puissance sensorielle
Et pourtant le grillon qui chantait dans les cheveux de cendre
Un soir près de la statue d’Etienne Marcel
M’a jeté un coup d’œil d’intelligence
André Breton a-t-il dit passe.


1 réflexion sur « TOURNESOL poème d’André BRETON »

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