Le « Grand Hiver » de 1709

Plusieurs fois, sous Louis XIV, les Parisiens avaient souffert de la faim. En 1693, le blé manquait. La famine amena des souffrances cruelles, des maladies. Il y eut des émeutes.

Les émeutiers qui se laissaient prendre étaient aussitôt pendus. Les mendiants, ramassés dans les rues, étaient envoyés aux galères, les mendiantes rasées et fouettées.

Ce fut pire encore en 1709 ( Voir relevés de Louis Morin ci-dessus) .L’hiver cet année-là fut terrible.En janvier le froid devint atroce. Les rivières gelèrent. Les arbres, les vignes périrent. Les semences furent anéanties. Dans les placards les liqueurs cassaient les bouteilles. Les oiseaux tombaient morts de froid. Les mendiants pullulaient.

A la cour même, Mme de Maintenon écrivait : <Je mange du pain d’avoine.> cette parole laisse deviner ce qu’était la famine.

A Paris, les réjouissances, les bals avaient cessé; les théâtres étaient fermés. Dans la ville, trente mille personnes moururent de froid ou de faim.

Les mauvaises nouvelles de la guerre ajoutaient encore à la tristesse générale. La liste des batailles perdues s’allongeait. Des champs de bataille de Flandre revenaient sans cesses des blessés et des invalides.

Le secours du potage à Paris pendant la famine de 1709 – André Leroux – Musée Carnavalet.

<Tous les jours, dit Madame, la seconde duchesse d’Orléans, nous voyons arriver des officiers qui marchent avec des béquilles>.

Tous ces maux suscitèrent dans la capitale de nouveaux troubles. Il y eut des attroupements. Les riches ne purent plus se faire apporter leur pain que sous la protection d’une escorte de police. Des boulangeries firent mises au pillage.

Émeutes du « grand hiver » de 1709.

Des malheureux qu’on employait à remuer des terres entre la porte Saint-Denis et la porte Saint-Martin n’étaient payés que d’un morceau de pain. Un jour, ils ne le reçurent pas comme de coutume. Il se soulevèrent. Un émeute éclata. Elle s’étendit des Halles jusqu’au faubourg Saint-Antoine.

Le lieutenant général de police d’Argenson, qui était chaque jour menacé de mort, vit sa maison attaquée par les émeutiers. Pour la défendre contre las assaillants, les gardes suisses et les gardes françaises tirèrent. Ce n’est qu’à grand peine qu’un massacre général fut évité.

Le comte d’Argenson – Par hyacinthe Rigaud.

Au mois de mars encore, les femmes des Halles se rassemblèrent. Elles se mirent en marche sur Versailles. Elles allaient demander au roi l’abolition de la taxe sur le pain. Au pont de Sèvres, des troupes leur barrèrent la route, les arrêtèrent, les ramenèrent.


La bataille de Malplaquet, 1709 : le duc de Marlborough et le Prince Eugène entrant dans le retranchement français .

L’hiver 1708-1709 est resté dans la mémoire collective. Il a été abondamment décrit et étudié. Il intervient dans un contexte de guerre qui a appauvri la France et les Français. Les grands hivers qui suivront lui sont toujours comparés. Peut-être parce qu’il signe la fin des grandes mortalités : après 1709, les décès se compteront en milliers ou en centaines, plutôt qu’en centaines de milliers.

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